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“Pollution massive” en Argentine ?

Dans une de ces récentes enquêtes, Greenpeace accuse cinq compagnies pétrolières dont Total de « pollution massive » au nord de la Patagonie Argentine. La population locale a saisi la Justice.

“Plusieurs compagnies pétrolières dont Total, auraient déversé des déchets et résidus de forages dans la région de Neuquen, en Argentine, en toute illégalité, par l’intermédiaire d’une société de transports” indique le communiqué de Greenpeace rendu public le 17 décembre dernier. Alertées par les Mapuches (littéralement « Peuple de la terre » en mapudungun), la population autochtone, les équipes locales de l’ONG ont pu observer des « mares suspectes », non loin de la ville de Neuquen et du village d’ Añelo, au nord de la Patagonie, une région qui concentre de nombreuses activités de forage, dont l’exploitation de gaz et de pétrole de schiste de Vaca Muerta ; une zone considérée par le département d’Etat américain de l’Energie comme la 2ème réserve mondiale de gaz de schiste et la 4ème pour le pétrole de schiste.

La plainte déposée au pénal devant la Justice argentine par les Mapuches contre cinq groupes pétroliers - Total, les sociétés argentines YPF (Yacimientos Petroliferos Fiscales), Pan American Energy, Pampa Energia et l’Américain Exxon - pointe tout particulièrement deux points litigieux. La première illégalité concerne le lieu de déversement des déchets toxiques situé à seulement 5 kilomètres d’habitations, près du village d’ Añelo où vivent les Mapuches. Or, la loi argentine impose une distance minimum de 8 kilomètres. Non seulement, les distance ne semblent donc pas respectées mais ces piscines de déversement sont en plus creusées à même le sol dénonce l’ONG, « sans aucune mesure prise pour isoler les résidus pétroliers de la terre, contrairement aux obligations légales en Argentine ». Greenpeace a ensuite pisté les camions de la société Treater SA qui déversent ces déchets et résidus toxiques pour le compte des compagnies pétrolières. Il s’avère que ces camions faisaient des allers-retours avec un site appartenant à Total et d’autres vers une concession placée sous la responsabilité de Shell. L’ONG a également prélevé des échantillons de terre et d’eau à proximité de ces décharges dont l’analyse a révélé une forte présence en résidus pétroliers et en métaux lourds toxiques. Pour l’ONG, la présence de ces déchets nocifs et leur stockage sans aucune mesure de confinement laisse donc craindre une contamination du sol, de l’air et des nappes phréatiques dont dépend les Mapuches. Une situation qui pourrait devenir encore plus dramatique qu’elle ne l’est déjà lorsque l’on sait que le site est en perpétuelle expansion, il est déjà passé en deux ans de 6 à 13,6 hectares. Entre novembre 2013 et octobre 2018, selon l’étude des photos satellites, la « piscine » aurait triplé de volume en passant de 3,9 à 13,6 hectares. Rien qu’en 2018, elle aurait augmenté de près de 30 % ! « Il est impératif que les autorités et les entreprises pétrolières responsables de ces pollutions répondent de leurs actes » s’emporte Hector Jorge Nawel, porte-parole de la Confédération Mapuche de Neuquen.

Contacté par la Revue Parlementaire, le Groupe français confirme que la société Treater Neuquen SA « est effectivement la société de services à laquelle recourt notre filiale Total Austral pour le traitement de résidus de forage issus des opérations actuellement menées sur les trois champs qu’elle opère sur la zone de la Vaca Muerta ». Pour autant, insiste le porte-parole de Total, au moment de la signature du contrat de service attribué en avril 2017 pour une durée de deux ans, « la société répondait aux critères de certifications imposés par Total Austral et par la Province de Neuquen ». Enfin et conformément aux procédures internes du Groupe, Total Austral a conduit en octobre 2017 une inspection des installations utilisées pour le traitement des résidus ainsi qu’un audit de management HSE (Hygiène, Sécurité, Environnement) qui « n’a pas révélé d’observation négative significative ». Total tient également à rappeler qu’il est expressément prévu que « les résidus soient traités par combustion dans un four à pyrolyse et que le stockage de ces eaux se fasse dans des bacs fermés » contrairement à ce qui semble être le cas ici. Pour le porte-parole du Groupe, en octobre 2017, « les processus prévus étaient respectés ». Fort de ces nouveaux éléments, Total Austral devait « rapidement échanger avec ce contractant (Treater Neuquen SA, Ndlr) afin de procéder à des vérifications complémentaires ». Pour ce qui est des distances à respecter pour les piscines de déversement, Total est catégorique : « ces installations ont été mises en service préalablement à l’entrée en vigueur du décret référencé par Greenpeace et bénéficient d’une autorisation d’exploiter renouvelée annuellement par la Province, le dernier renouvellement étant daté d’août 2018 »

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